Prise de mesure et lunettes sur internet



Acheter ses lunettes sur Internet, est-ce sans risque ?



Depuis deux ans, les sites de ventes de lunettes fleurissent sur le web. Leur gros avantage : proposer des prix ultra attractifs. Mais que risque-t-on à passer par ces sites, remboursés par la Sécu ? Le point sur l'offre et la réglementation.

Depuis un an, sous la pression de Bruxelles, le marché du e-commerce de l'optique-lunetterie a les coudées franches dans l'Hexagone. "Aller sur Internet pour vendre des lunettes n'est pas interdit", a admis Roselyne Bachelot, ministre de la Santé.
Le marché de l'optique pèse aujourd'hui en France plus de 5 milliards d'euros, dont 2,8 milliards pour les seuls verres de lunettes et quelque 500 millions pour les lentilles de contact. Un marché sur lequel les marges oscilleraient entre 60 et 70%. On comprend dès lors que le secteur soit aussi convoité. Selon une étude publiée à l'automne 2009 par l'institut d'études économique Xerfi, les ventes en ligne représentent moins de 1% du marché de l'optique. Mais leur croissance semble inéluctable, eu égard au dynamisme dont fait preuve le commerce électronique dans une conjoncture économique difficile. Est-ce sans risques ?

Offre sur Internet : coller au plus près des opticiens physiques

Montures flexibles, invisibles ou cerclées, premier prix ou griffées, verres progressifs, lunettes de soleil correctrices... Les e-opticiens proposent peu ou prou les mêmes produits que leurs confrères du monde réel. Si leur largeur de gamme peut avoir du mal à rivaliser avec celles des grands réseaux traditionnels, certaines boutiques disposent tout de même d'un catalogue de plusieurs centaines de montures.
Sur la Toile, la plupart de ces sites sont de création récente, et n'affichent pas plus de deux ans d'existence. C'est notamment le cas de Direct Optic, Happyview, ou Simply Optic. Ils emploient tous un ou plusieurs opticiens diplômés d'Etat. Leurs lunettes de vue font l'objet d'une prise en charge par la Sécurité Sociale et les organismes complémentaires sur présentation de la feuille de soins, de l'ordonnance médicale et de la facture d'achat.
Quant à l'essayage, Internet oblige, il suffit de télécharger sa photo-portrait puis de cliquer sur la monture de son choix pour la retrouver sur votre nez, ou de demander à l'essayer pendant une semaine à domicile. Les sites disposent de boutiques partenaires pour répondre aux problèmes d'essayage, d'ajustage ou de prises de mesures. Ainsi, outre ses deux magasins de Nantes et Marseille, Direct Optic promet une dizaine de boutiques en France d'ici à la fin de l'année prochaine.

Avantage : le prix

Marc Adamowicz, cofondateur et président d'Happyview, s'appuie sur l'enquête annuelle réalisée par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du Ministère de la Santé) auprès des Organismes Complémentaires Santé pour affirmer que "Trois millions de Français devraient porter des lunettes mais ne le font pas en raison d'un prix trop élevé". Pour lui, les 11.000 points de vente d'opticiens dans l'Hexagone ou les frais de publicité et de communications sont autant de postes qui viennent gonfler le prix d'une monture dans un magasin physique. "Chez un opticien classique, le prix de vente moyen d'une monture et deux verres est de 200 euros pour des verres simples, et de 500 euros pour des verres progressifs, soit 400 euros rien que pour les verres. Chez Happyview, frais de livraison inclus, les premiers prix sont à 69 euros pour des verres progressifs. On peut être jusqu'à quatre à cinq fois moins chers que les boutiques physiques", assure-t-il.
"Cette notion de prix moyen ne veut rien dire, rétorque Christian Romeas, Président du Synope (Syndicat des opticiens sous enseigne, qui regroupe les grandes enseignes du secteur : Alain Afflelou, Générale d'Optique, Optic 2000, Krys, Lissac...). Sur Internet, on ne vous propose que du bas de gamme. De tels produits sont vendus dans les magasins au même prix. Mais outre le service en plus, les magasins possèdent une gamme autrement plus large, donc leur prix moyen sera forcément plus élevé".

Des risques à prendre en compte...

Un opticien physique sollicité lors de l'achat d'une monture doit prendre des mesures destinées notamment au centrage des verres par rapport aux yeux de son client. Cette phase opératoire, qui comprend notamment la mesure de l'écart pupillaire, reste sans doute l'une des plus délicates à réaliser pour un opticien en ligne. Si l'écart latéral - la dimension entre le centre de la pupille et le point médian du nez - ne pose pas trop de problème, en revanche le centrage sur un axe vertical est beaucoup plus délicat à réaliser car fonction de très nombreux paramètres : forme de la monture, position des branches, morphologie du nez...
Contrairement aux verres unifocaux, les verres progressifs ne disposent que d'une faible marge d'erreur. Sur son catalogue, la firme Zeiss, spécialiste de l'optique, rappelle qu'"une erreur de centrage de 1mm par côté pour une addition de deux dioptries réduit de 40% les champs de vision disponibles'. Des risques confirmés par le Dr Laurent Nabet, ophtalmologiste à Paris : "Outre un inconfort visuel, des verres non centrés risquent d'entraîner une inadaptation aux verres progressifs, de provoquer des douleurs cervicales ou des problèmes de motricité oculaire".

Les conséquences d'une mauvaise prise de mesures concernent tout autant les sites de ventes en ligne de lentilles de contact : "Nous sommes un site de renouvellement. Un client est systématiquement renvoyé vers son ophtalmologiste lors de sa première commande", insiste Orianne Garcia, fondatrice de Lentilles-moins-chères.

...en attendant une réglementation plus précise

Le ministère de la Santé et la Cnam planchent depuis plusieurs mois sur une réglementation... qui tarde à venir. Christian Romeas fulmine : "Il n'y a encore aucune prise de position officielle. On attend des pouvoirs publics qu'ils alignent tout le monde sur un pied d'égalité. Les sites en ligne font peser la responsabilité de cette prise de mesures sur le consommateur".

Ce qui fait dire à Jean Polier, fondateur et président d'Easy-verres, que "la prise de mesures, impossible à modéliser sur Internet, montre les limites du système quand on vend des lunettes sur la Toile". Easy-verres s'est lancé sur le marché en mai dernier avec une solution hybride pour le moins originale : vendre des verres non taillés, mais déjà corrigés, 40% moins chers que dans un réseau classique. Cette fois, les sources d'erreurs dues à une mauvaise prise de mesures disparaissent puisque le client doit ensuite passer par un opticien pour les faire tailler en fonction de la monture choisie. Easy-verres travaille avec un réseau de 600 boutiques partenaires en France. "Nous avons reçu un écho très favorable de la part du ministère de la Santé", se félicite Jean Polier. Un sentiment partagé du bout des lèvres par Christian Romeas : "Ils ont une position intermédiaire et sont déjà plus proches de nos idées".


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François (en pause)
Conseiller Easy-verres